Bienvenue dans le vingt et unième épisode de La Douille, la newsletter qui raconte le droit.
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Bastien a créé sa première boîte « La Boîte de Bastien » il y a déjà 5 ans. Il génère un bon chiffre d'affaires et sa rentabilité est en flèche. Il est suffisamment tranquille pour avoir envie de créer un side project : il veut lancer une plateforme de mise en relation pour de la livraison.
Il demande des devis à deux prestataires qu'on lui a recommandé :
Une agence qui lui fait une offre à 200.000€ HT avec la maintenance incluse sur 2 ans
Un freelance qui fait une offre à 150.000€ HT
Il est prêt à payer.
Mais il échange avec Pierre à un workshop d’entrepreneurs à Lisbonne.
Pierre connaît un super développeur rencontré à Dubaï et qui accepte parfois de proposer ses services à un prix réduit contre 10% des parts de la boite pour qui il bosse.
A terme, Bastien sait qu’il a besoin d'un CTO. Il envisage sérieusement l’option : si ça peut permettre de lancer sans plateforme sans mettre un gros ticket de départ et d’avoir un CTO qui intègre le projet par la suite, c’est aussi bien.
Il fait un call avec le fameux dév. Il en ressort séduit. Le dév a l'habitude de ce type de prestation, il collabore avec une quinzaine de freelances et promet donc d'être hyper réactif.
Il propose de développer la plateforme pour 50.000€ et 10% de la boîte. Bastien n’est pas fou, il a prévu de créer une nouvelle structure pour ce side project. Pas de donner 10% de « La Boîte de Bastien ».
Le futur CTO shoote dans la foulée le contrat de Prestation. Une signature électronique plus tard, le projet démarre.
7 mois plus tard :
Il n’y a pas une seule page de la plateforme sans bug (alors qu’on avait promis à Bastien un livraison en 3 mois)
Les 2 freelances qui ont été mis sur le projet parlent à peine anglais.
Le CTO qui est censé coordonner tout ça a toujours une bonne excuse pour ne pas venir aux calls.
Et pourtant quand Bastien le confronte, il arrive toujours à retourner la situation et dire que le problème vient de Bastien qui ne sait pas ce qu’il veut.
Bastien veut lancer coute que coute le projet et ça implique de créer la nouvelle boite parce qu’il commence à avoir des clients intéressés. Par contre, c’est un peu tendu de d’imaginer s’associer au dév / « pseudo CTO » à qui il a le plus envie de péter les dents sur terre.
C’est le moment où il vient nous montrer son contrat (et qu’on découvre que le contrat est soumis au droit roumain #toujoursplusdedouilles).
On ne s’y connait pas trop en droit roumain, par contre, on sait bien lire la clause qui dit :
“EQUITY AGREEMENT In addition to the fees specified in Section 5, the Service Provider will be entitled to receive a 10% ownership stake in the Client's software company.”
En clair, il doit filer 10% de la société qui commercialisera l’application. Et comme la clause est hyper imprécise sur la boite dont on parle, le CTO pourrait même réclamer 10% de la boite déjà existante « La Boîte de Bastien » (et qui a fait un bénéfice de 3 millions en 2023, sinon c’est pas drôle).
Si tu ne l’avais pas encore compris, sache qu’un contrat (même soumis au droit roumain) t’engage vraiment.
Il y avait deux options : 1/ l’associer et prier pour qu’il finisse le projet ou 2/ remettre le projet à plus tard et perdre les 50K.
Comment on s’en est sorties ?
A coups de création de boite « en catimini » (on ne va pas vous dévoiler tous nos secrets non plus 😉), tout en négociant avec le CTO pour qu’il sorte du projet et termine le job, en parallèle de convaincre les freelances de balancer les codes d’accès aux serveurs et trouver un nouveau dev pour reprendre le projet.
C’était CHAUD.
Et il a fallu filer une rallonge, mais c’était toujours mieux que de repartir de zéro.
Payer moins cher un service contre des parts c’est une belle idée (le fameux « Service for Equity »), mais à consommer avec modération si on ne fait pas relire le contrat.
Des News de Blast Avocat·es (et sa team) :
Ces deux derniers mois, on s’est beaucoup mobilisées sur le recrutement de notre futur.e collab pour renforcer la team.
On a imaginé un process de recrutement en 3 étapes (RGPD-friendly, évidemment) en s’inspirant des pratiques des boites techs.
On vous le dit ?
On a trouvé la pépite qui va nous rejoindre ! On vous la présente bientôt.
Moralité : tu peux radiner sur tes dev, tant que tu ne radines pas sur tes juristes.
Bonus : en informatique, moins cher c'est souvent beaucoup plus cher...