Bienvenue dans le trente-cinquième épisode de La Douille by Volkane, la newsletter qui raconte au monde le droit des affaires.
Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.
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Sommaire
1. Piégés par une LOI mal comprise
2. Temps Technique : la négociation d’une GAP
3. Des News de Volkane
Avant de débuter cet épisode, prenons un instant pour prendre une grande inspiration, expirer doucement et se rappeler quelques définitions clés (expliqués en une phrase chacune, ça c’est un vrai challenge) :
1/ La LOI (letter of intent) est une lettre d’intention qui fixe les bases de la négociation pour (par exemple) l’acquisition d’une société.
2/ Le SPA (Share Purchase Agreement) est le contrat final qui formalise la vente de la société et ses conditions.
3/ La GAP (garantie d'actif et de passif) protège l’acheteur contre les passifs ou pertes de la société non révélés avant la vente.
Bravo, vous êtes presque prêts pour rédiger ces trois documents.
On y va :
1. Piégés par une LOI mal comprise
Clodomir et Eulalie ont décidé de vendre leur société. Ils ont fait appel à un conseiller M&A pour les accompagner.
Tout semble bien parti : un prix fixé à 600.000 euros et deux compléments de prix conditionnels de 200.000 et 100.000 euros. Soit un total potentiel de 900.000 euros.
Les deux compléments de prix étaient soumis à plusieurs conditions, notamment :
- La performance financière de la société rachetée
- L’absence de départ des deux vendeurs pendant une période transitoire post acquisition de 24 mois.
Une vente bien engagée... en apparence
La LOI est signée et les audits commencent.
Vers la fin des audits, les échanges sur la documentation juridique débutent entre les avocats.
C’est (seulement) à ce moment que Clodomir et Eulalie ont décidé de faire intervenir leur avocat.
A la réception du SPA leur avocat découvre une clause troublante concernant la GAP
La clause qui change tout
L'article 6.5.8 du SPA transmis par l’avocat de l’acquéreur stipule :
“[…] Le montant cumulé des Paiements (le "Plafond") ne pourra excéder 900.000 euros. Toutefois, ce Plafond ne s'appliquera pas aux violations des déclarations des articles 6.5.2, 6.5.4 et 6.5.5, ni en cas de fraude ou d’omission délibérée des Cédants.”
Traduction : les vendeurs pourraient être redevables jusqu'à 900.000 euros, soit la totalité du prix « potentiel » de la vente. Voire pire, certaines obligations liées à la propriété intellectuelle et au RGPD (“article 6.5.5”) ne sont même pas plafonnées.
Problème : sur les 900.000 euros, seuls 600.000 faisaient partie du prix fixe « garanti ».
Les 300.000 euros restants étaient soumis à des conditions incertaines.
Pourquoi Clodomir et Eulalie devraient-ils garantir un montant potentiellement supérieur à celui qu’ils pourraient réellement percevoir (et reste dans leur poche après impôt) ?
Retour à la LOI : une formulation trop floue
L'avocat de Clodomir et Eulalie vérifie la LOI qui avait été signée et voici ce qui y est indiqué concernant la GAP :
« ii. Garantie sans franchise ;
iii. Seuil de déclenchement et limite de responsabilité des vendeurs au titre des déclarations et garanties : à finaliser dans les Documents définitifs ;
iv. Période de garantie de trois (3) ans pour les représentations et garanties. Dans l’hypothèse où les diligences menées par l’Acquéreur mettraient en exergue des risques particuliers, les réclamations liées à ces risques identifiés comme problématiques ne seront pas plafonnées (ni en montant ni en durée) ;
[…]
C’est flou.
Cependant, l’acheteur soutenait la position selon laquelle un déplafonnement global de la garantie sur certains sujets « critiques » avait été accepté au moment de la signature de la LOI par les deux vendeurs.
Et ça se tient.
Ce flou a :
- Mis les vendeurs et leur avocat en difficulté pour renégocier ce que l’acheteur considérait comme acquis ;
- Laissé champ libre à l’acheteur pour imposer une négociation agressive avec un plafond de garantie très défavorable aux vendeurs (et hors pratiques de marché comme on dit).
Vous vous demandez sûrement, quel est le montant habituel d’un plafond de GAP ?
En pratique (sauf cas spécifiques) les plafonds de GAP représentent environ 25 % du prix de vente de la société (avec une tendance à la baisse plus l’opération est importante).
Clodomir et Eulalie ont annoncé pendant toute la négociation ne pas avoir « compris » les termes exacts de la LOI.
Clodomir et Eulalie avaient une position claire : hors de question de s’engager sur une garantie excédant le prix qu’il toucherait réellement.
Du côté de l’acheteur, la logique était tout autre : tous les risques devaient être couverts à hauteur de 100 % du prix.
Mais encore fallait-il s’accorder sur ce que recouvrait précisément cette notion de "prix". Les compléments de prix, soumis à conditions, devaient-ils être intégrés dans le calcul ?
Un compromis forcé
Ce type de négociation est fréquent dans les transactions déséquilibrées, notamment lorsque l’une des parties cherche à maximiser son avantage.
Pris par l’urgence de vendre pour des raisons personnelles, Clodomir et Eulalie se sont retrouvés en position de faiblesse.
Contraints de trouver un terrain d’entente, ils ont dû accepter un compromis : calculer le plafond de la garantie (GAP) uniquement sur les sommes réellement perçues après déduction des honoraires des conseils et des impôts.
En d'autres termes, si la GAP était activée, il pourrait ne leur rester aucun gain, même en cas de versement des compléments de prix qui in fine pouvaient entrer dans l’assiette.
2. Temps Technique : la négociation d’une GAP
La négociation de la GAP commence dès la LOI.
De nombreuses précisions peuvent être incluses dans une LOI et il est nécessaire de poser les grandes lignes de la GAP à négocier.
En droit français, quand vous vendez votre entreprise, l’acheteur est automatiquement protégé par deux grands principes :
- la garantie contre l'éviction (jouissance paisible),
- la garantie contre « les défauts cachés ou les vices rédhibitoires » (vices cachés).
Ces deux grands principes peuvent être à la fois complexes à mettre en œuvre et de puissants leviers pour un acquéreur dans certains domaines.
Ils sont particulièrement redoutables en matière de propriété intellectuelle, un domaine par nature incertain : un dépôt de marque peut être contesté, un salarié peut revendiquer des droits d’auteur, etc.
Il convient donc d’être précis tant sur l’étendue des droits cédés que sur les garanties accordées. Si l’objet de ce que vous garantissez n’est pas clair, vous risquez de garantir plus que ce que vous ne possédiez réellement (et on ne veut pas cela).
Concernant le plafond de la garantie :
Il est légitime que le bénéficiaire de la garantie demande que les déclarations concernant la capacité juridique et la propriété des titres du vendeur ne soient pas limitées par le plafond.
Il est moins légitime que le cessionnaire exige un déplafonnement sur des sujets délicats comme la propriété intellectuelle / le RGPD.
Voici une proposition de wording pour vos futures GAP si vous vendez votre société :
« Le montant global cumulé des paiements dû par le garant au bénéficiaire ne pourra excéder [25% du prix] €, à l'exception des préjudices sur le fondement des articles [•] (Capacité des Cédants) et [•] (Propriété des Titres) ».
Certains vendeurs se retrouvent dans la situation paradoxale de vendre une société et, au final, de devoir en rembourser le prix.
Assurez-vous de comprendre pleinement ce que vous signez dès le premier acte, et ne laissez aucun conseiller, potentiellement muet pendant les négociations finales, vous affirmer que dur comme fer « ce point pourra être renégocié plus tard ».
3. Des News de VOLKANE (et sa team)
Nous avons été à la rencontre du cofondateur de l’un des cabinets d’avocats d’affaires les plus réputés de la place.
Si nous nous attendions à un choc des générations, nous étions loin d'imaginer un échange aussi riche, empreint de partage d’expérience et de précieuses clés de réussite pour le développement de Volkane.
Ce qu'on retient et qu'on peut vous partager ? Avoir un objectif précis, une confiance absolue, une combativité sans faille et au moins 3 semaines de vacances.
Nous avons reçu de nombreux retours positifs sur notre carte de vœux de la part. Si vous en faites partie du CRM de Volkane et que vous lisez ceci : un immense merci.
On se met déjà la pression pour l'année prochaine. D'ailleurs, si vous avez des suggestions, on est preneuses de toute inspiration (ou plus si affinité).
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Très pertinent, j'apprends beaucoup avec votre newsletter, merci